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Booster réutilisable, vraiment plus écologique ?

Le géant américain SpaceX a développé une technologie permettant de récupérer ses propulseurs et de les réutiliser. Génial me direz-vous, mais alors ces boosters réutilisables sont-ils vraiment plus écologiques ? Notre équipe a mené l’enquête pour vous.


Falcon 9, de SpaceX, vient de se poser sur sa zone d'atterrissage, en Floride. (Photo Pixabay / Military_Material)

Les propulseurs (ou boosters) permettent à la fusée de s’arracher de la terre et de son attraction. Les constructeurs cherchent à les rendre constamment plus puissants afin qu’ils puissent emporter de plus grosses charges, et plus efficaces c’est-à-dire moins gourmands en énergie. Au début de l’ère spatiale, les propulseurs n’étaient pas réutilisés : une fois leur mission accomplie, ils retombaient sur terre ou se perdaient dans l’espace.


Des atterrissages d'une grande précision

Depuis plus d’une décennie maintenant, SpaceX, l’entreprise d’Elon Musk, développe une gamme de propulseurs réutilisables. Désormais, ses propulseurs sont ainsi capables de revenir se poser au sol sans dommage. En général, ils atterrissent sur des barges de 4 mètres de large en plein milieu de la mer, rien que ça. La partie la plus difficile pour les ingénieurs n’est donc plus d'envoyer la fusée, mais de la faire se poser de nouveau. On ne rentrera pas dans tous les détails mais une chose est sûre, ça n’a pas l’air facile.


Un coût toujours plus faible

Economiquement, cette innovation semble d’un grand intérêt. En effet, SpaceX a pour objectif de réduire le coût de l’accès à l’espace : aujourd’hui, le prix d’un lancement de sa Falcon 9 tourne autour de 60 millions d’euros (contre plus d’une centaine de millions pour Ariane 5), mais l’entreprise espère à terme diminuer ce prix de 30 % ! En plus de ça, la firme d’Elon Musk estime que la remise en service revient 50 % moins cher que la construction d’un nouveau propulseur.

C’est donc une véritable révolution, qui force les autres acteurs du milieu à changer leurs plans. Prenons l’exemple d’Ariane 6. Ce nouveau lanceur, en développement depuis un petit moment maintenant, n’est pas conçu pour être utilisé plusieurs fois ; seulement, après les nombreux succès des différentes Falcon, ArianeGroup songe à en construire une version réutilisable.


Europe, Asie... Le progrès n’est pas qu’américain

D’autre part, ArianeGroup en collaboration avec l’ESA (Agence Spatiale Européenne) va développer Prometheus, un moteur réutilisable à bas coût. Thémis, autre projet européen, a pour but de créer un lanceur avec un premier étage réutilisable. La France va également développer Callisto, un lanceur qui serait entièrement réutilisable, et ce en collaboration avec l'Allemagne et le Japon. Enfin, la Chine a de nombreux projets de lanceurs réutilisables, par exemple les Longue Marche 8.

D’ailleurs, selon l’expert en propulsion spatiale au Cnes Christophe Bonhomme, « il nous paraît très probable que la réutilisation des lanceurs devienne la norme ». Bref, nous n’avons pas besoin de vous faire un dessin, les boosters réutilisables deviennent communs et leurs faibles coûts également.


Une économie de matériaux

Les boosters réutilisables permettent une économie en termes de matériaux utilisés. En effet, plusieurs éléments de la fusée, comme les moteurs Merlin de SpaceX notamment, sont composés de matières rares et très coûteuses : fibre de carbone, céramiques (Nextel), polymères (Kevlar), lithium, aluminium, alliages (carbone-lithium), etc. Moins de moteurs à construire, c’est moins de matériaux à extraire ou à fabriquer, ce qui est un bon point écologique.


Plus efficaces mais plus polluants

Avant la réutilisation d’un moteur ou de toute autre partie de la fusée pour un nouveau lancement, on effectue un ensemble de tests qui permettront de connaître sa fiabilité. Cependant, il faut que les fonds exigés par ces tests soient moins élevés que ceux qui sont dépensés pour la fabrication de nouveaux boosters. Eh oui, sinon l’intérêt économique serait plutôt discutable...

L’objectif serait de rendre le monde spatial aussi rapide et efficace en termes de test et de nombre de lancement que le monde aéronautique. Ce qui pose un nouveau problème. Grâce à ces équipements réutilisables, les lancements deviendront plus nombreux… ce qui accroîtra la pollution totale due à l'activité spatiale.


Un besoin en carburant toujours plus important

Un des principaux problèmes est que pour atterrir en douceur, la fusée doit freiner sa descente en utilisant à nouveau ses moteurs. Elle consomme plus de carburant puisqu’elle en a besoin à l’aller et au retour ; le carburant supplémentaire qu’elle doit transporter augmente le poids de la fusée. Ainsi, elle a besoin de plus d’énergie pour décoller ce qui implique de rajouter davantage de carburant, une boucle sans fin...

En plus de développer le besoin en carburant, les propulseurs réutilisables amplifient la pollution qui y est liée. En effet, on utilise pour le décollage (et l’atterrissage) du propergol, un composé chimique contenant un comburant et un combustible. Il brûle pendant son usage et laisse les produits de la combustion dans l'atmosphère, ce qui représente plusieurs tonnes de produits toxiques pour l’environnement.


Une rentabilité contestable

Au-delà de l’aspect écologique, le rendement économique de ce type de propulseur est discutable. Stéphane Israël, patron d'Arianespace, voit plusieurs limites à leur usage. Premièrement, comme il a été dit précédemment, faire atterrir une partie de la fusée diminue sa performance, à cause du poids du carburant supplémentaire qu’elle transporte. D’où des coûts supplémentaires en carburant.

Deuxièmement, les étages récupérés doivent être vérifiés et testés à nouveau, ce qui provoque des coûts de reconditionnement. En effet, reconditionner des lanceurs présente des risques de fiabilité. Le directeur des programmes d’Arianespace, Louis Laurent, insiste sur ce point : « On n’a pas la même fiabilité avec des moteurs qui ont déjà volé 15 fois. »

Elon Musk aurait-il oublié ce détail ?


Alors, finalement, est-ce plus écologique ?

Il est sûrement trop tôt pour le dire, mais la probable future conquête de Mars nous donnera peut-être plus d’indications précises sur la réponse à cette question.

En attendant, n'hésitez pas à nous dire ce que vous en pensez en laissant un commentaire.


Grégory JULIEN, Tom LIBERT-COUBARD, Samuel LOPES, Alexis MABILON, Téo SALAÜN


A propos de SpaceX, dans A ciel ouvert
Pour en savoir plus

Comment fonctionne le projet français Callisto

Les promesses du projet européen Prometheus

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