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COMMENT FREINE UN AVION ?

Faire décoller un avion est simple : il suffit de créer une action pour obtenir une réaction capable de faire accélérer l’avion jusqu’à la rotation. Le freiner et le stopper est plus difficile, car il peut s’agir d’une masse de centaines de tonnes lancée à plus de 200 km/h. Les ingénieurs aéronautiques doivent alors chercher des solutions ingénieuses pour réussir cet exploit technique.


Freins

Les freins sont la solution principale pour faire ralentir un avion. Tous les aéronefs en sont équipés.

Historiquement, les avions utilisaient des freins à tambour actionnés par câble. Les constructeurs ont ensuite utilisé majoritairement des freins à disque. D’abord en cuivre puis en acier, les freins modernes sont désormais en carbone. Pourtant plus cher que l’acier, le carbone a l’avantage d’être un matériau plus léger capable de mieux absorber l’énergie. Cette technologie a été introduite en premier sur l’Airbus A310 en 1986 par Messier-Bugatti, désormais Safran Landing Systems.

Il faut savoir que les freins sont des pièces extrêmement sensibles sur un avion. Lors d’un Rejected Take-Off, littéralement « procédure de décollage stoppée »,  l’avion doit pouvoir freiner à vitesse proche du décollage et à masse maximale, en toute sécurité. La température des freins pour des avions long-courriers peut donc atteindre des températures de 2000°C. Lors des tests de qualification d’un avion, ces tests offrent des images spectaculaires.


Rejected Take Off d’un Airbus A350 équipé de freins en carbone (@Robin Hardy)


Il faut savoir que chaque frein est homologué dans un ensemble roue-frein-pneu. Par exemple, les Airbus A319 n’ont pas les mêmes modèles de frein que les A320 car les deux variantes n’ont pas la même masse. Aussi, le train secondaire n’est lui pas équipé de freins pour des raisons de masse. Des études ont en effet démontré que des freins à l’avant n’amélioreraient pas de façon significative le freinage.

 

Solutions aérodynamiques

Une autre méthode pour faire ralentir un avion est d’augmenter sa trainée, cette force que l’on ressent quand on passe sa main à travers la fenêtre en voiture. Le principe est simple, on essaye de faire un maximum de résistance au vent.

Les spoilers ou aérofreins sont des pièces mobiles qui modifient l’écoulement de l’air autour de l’avion. Surnommés de ‘’destructeurs de portance’’, ils sont principalement situés sur l’extrados des ailes, mais peuvent être également localisés sur la dérive ou sur le fuselage. C’est le cas respectivement du BAe146 et du McDonnell Douglas F-15 Eagle. Sur les avions modernes, lorsque les aérofreins sont armés, ces derniers se déploient automatiquement lors de la détection du toucher du sol par le train principal. Cela enlève une certaine charge de pensée au pilote.



Aérofreins d’un BAe 146 et d’un F-15 Eagle lors du toucher des roues (@Thomas Becker & @Ken Middleton)


Un avion de chasse peut aussi utiliser sa surface alaire comme un aérofrein lors de l’atterrissage en retardant le posé du train avant.

Une autre solution aérodynamique pour faire ralentir un aéronef est le parachute de freinage. Logé dans un carénage, spécialement étudié, pendant le vol, il est déployé horizontalement à l’atterrissage. Cette technique, apparue au début du XVe siècle, a été largement développée par les avions de chasse lors de la Seconde Guerre mondiale dans le but de réduire les distances de freinage. Elle a ensuite été adoptée par les avions commerciaux et l’industrie spatiale. Celle-ci est pourtant de moins en moins fréquente ; la difficulté étant de devoir récupérer le parachute après l’atterrissage et d’assurer son bon pliage avant de redécoller, causant une perte de temps.

En revanche, le parachute est une des méthodes les plus simples. Les ingénieurs aéronautiques soviétiques ont d’ailleurs opté pour cette option lors de la conception du Tupolev Tu-144 afin de gagner du temps sur le projet européen d’appareil commercial supersonique Concorde.

Parmi les autres aéronefs utilisant le parachute on peut citer La Caravelle, le Lockheed F-117A et également la navette spatiale Space Shuttle lors de son retour sur Terre. Beaucoup d’avions de chasse en sont équipés, mais leur utilisation est réservée à des situations d’urgence.



Parachute déployé lors d’un freinage sur La Caravelle et la navette spatiale Discovery  (@Lars Söderström & @Pierre Kessler)

 

Inverseurs de poussée

Nous avons évoqué en introduction l’utilisation d’une action pour créer une réaction lors du décollage. Pourquoi ne pas inverser le sens de l’action pour décélérer ? C’est tout l’objectif des inverseurs de poussée. En redirigeant une partie de la poussée vers l’avant, ceux-ci contribuent significativement à la diminution de la distance de freinage. Les différents types d’inverseurs de poussée sont :

-       Clamshell ou inverseurs à obstacles

Il est le modèle le plus simple d’inverseur de poussée. Une ou plusieurs « portes » se ferment avec un vérin devant le flux primaire du turboréacteur pour l’orienter vers l’avant. Ce système a donc l’avantage d’être très efficace, mais pose de grosses contraintes de températures et de déformations sur les portes . On le retrouve sur d’anciens avions commerciaux (Fokker 100, Boeing 717) et quelques jets (Gulf Stream G200).  

 

Clamshell sur Dassault Falcon 10 (@Pierre Guéno)


-       Pivot Door Thrust ou inverseurs à portes

Basé sur le même principe que les inverseurs à obstacles, les portes ne dévient ici que le flux secondaire ce qui le rend efficace avec des moteurs à fort taux de dilution. Il n’y a également pas de contraintes de températures car le flux secondaire n’est pas chauffé et est par conséquent froid. Ce modèle est aussi plus léger que les suivants et est adaptable pour tous types de turboréacteurs. On le retrouve donc sur beaucoup d’avions de ligne comme l’Airbus A320, A330, A340. Cependant, le constructeur américain Boeing a moins recours à ce type d’inverseurs.


Pivot Door Thrust sur A330-300 (@Pierre Guéno)


Cascade Thrust ou inverseurs à grilles // Cold Stream Thrust ou inverseurs sur le flux secondaire 

Ce sont les méthodes les plus classiques pour les inverseurs de poussée. La partie arrière de la nacelle glisse en arrière le long des rails et découvre des grilles d’aube de déviation disposées dans l’épaisseur de la nacelle. Le flux d’air secondaire est alors dévié vers l’avant. Ce système permet un gain de poids considérable et est utilisé sur la majorité des avions de ligne de Boeing, mais aussi sur les Airbus de dernière génération (A320neo, A330neo, A350 et A380).


Cold Stream Thrust sur Airbus A350-1000 (@Pierre Guéno)


Les inverseurs de poussée sont présents sur une majeure partie des avions de ligne pour un usage quasi systématique à chaque atterrissage. Anciennement, il était possible de les activer en l’air pour augmenter le taux de descente ou une perte de vitesse, c’était le cas notamment du Concorde. Il n’est désormais plus possible d’activer le dispositif en l’air depuis le crash du vol Lauda 004 où le commandant de bord du Boeing 767 a malencontreusement déployé l’inverseur de poussée du moteur n°1 ce qui a fait décrocher l’avion. On note une seule exception en 2024 : l’avion de transport militaire Boeing C-17 Globemaster III.

Il est important de noter que les inverseurs de poussée doivent être utilisés de façon symétrique pour assurer un bon roulage. D’ordinaire tous les moteurs sont équipés d’inverseurs de poussée. Ce n’est pourtant pas le cas de l’Airbus A380 équipé d’inverseurs de poussée uniquement sur ses moteurs n°2 et n°3 (à l’intérieur). Les raisons de ce choix sont multiples, mais permettent de diminuer les couts de construction et de maintenance tout en diminuant le poids de l’appareil.


Inverseurs de poussée sur l’Airbus A380 (@Pierre Guéno)


Les « reversers » ont autrefois été vus comme une solution pour faire reculer un avion de façon autonome. C’était une pratique récurrente sur le Douglas DC-9 avec ses inverseurs à obstacles. Cependant, cette pratique n’est aujourd’hui plus autorisée pour différentes raisons : le souffle de la poussée est dangereux pour toutes les personnes au sol, il y a un risque de pompage du moteur, un risque de réabsorption des gaz d’éjection et aussi car la consommation de kérosène est trop importante pour le faible gain de temps. Les inverseurs de poussée sont d’ailleurs assez bruyants jusqu’à être interdits sur certains aéroports comme celui de Nice Côte d’Azur.  

Pour un moteur à hélice, c’est le pas de l’hélice qui est inversé.

L’intégration d’inverseurs de poussée sur un moteur à postcombustion est complexe (mais pas impossible, comme pour l’exemple du Concorde déjà évoqué) ; les avions de chasse en sont très peu équipés. On note tout de même l’exception du Tornado ou SAAB 37 Viggen.

 

Brin & Barrière d’arrêt

Le brin d’arrêt est une technique employée par les chasseurs et quelques avions militaires pour atterrir sur de courtes distances. Sur la phase d’approche l’appareil déploie une crosse d’appontage, crochet situé sous le fuselage et plusieurs câbles sont tendus perpendiculairement sur la piste. Le pilote doit réussir à coincer sa crosse dans le brin d’arrêt ce qui fera ralentira brusquement l’avion. Le câble n’est pas rigide car la force engendrée sur la structure de l’avion serait trop importante. Les ingénieurs ont préféré relier le câble à un système de dérouleur intégrant un freinage hydraulique réglé en fonction de la masse de l’avion.


Rafale M lors d’une remise des gaz avec la crosse d’appontage sortie (@Pierre Guéno)


Cette technique nécessite de la précision et de l’entrainement, mais elle permet un freinage sur quelques mètres. Elle est majoritairement présente sur les porte-avions, mais aussi sur quelques pistes en dur pour s’entrainer aux appontages comme sur la base d’aéronautique navale de Landivisiau. Les avions de ligne n’utilisent pas cette technique car elle amène de trop fortes contraintes sur la structure de l’appareil en particulier le train d’atterrissage. C’est d’ailleurs une des raisons de la différence entre le Rafale C et le Rafale M. Aussi, le facteur de charge ressenti ne serait pas supportable par des passagers non entrainés.


Rafale Marine lors d’un appontage sur le port avion Charles De Gaulle (@ChasseEmbarquee)


Il existe une autre méthode pour arrêter un avion :  la barrière d’arrêt. Vous l’avez possiblement aperçue dans le film Top Gun : Maverick, c’est ce grand filet de nylon que l’on place sur la piste en cas d’avarie sur un appareil. Le filet est également relié à un système hydraulique pour diminuer l’impact de l’arrêt. Malgré cela, l’usage de cette méthode est rare car elle amène des dégâts conséquents sur l’appareil. Certaines bases aériennes en sont aussi équipées.

 

Atterrissage train rentré

Enfin, nous pouvons terminer en évoquant l’atterrissage train rentré, ou belly landing. Celui-ci n’est pas un atterrissage théorique rigoureux et se produit lors d’un atterrissage sur le ventre lorsque le train d’atterrissage de l’avion n’a pas été sorti. Avec les procédures actuelles sur la vérification de la bonne sortie du train, un atterrissage train rentré est rarement un simple oubli, mais plutôt un problème technique. Pour éviter de retourner l’avion, une précision extrême est requise lors d’un atterrissage train rentré. Les dégâts sur l’avion après un belly landing sont souvent très conséquents. L’amerrissage peut aussi être vu comme un atterrissage train rentré sur l’eau mais beaucoup plus réglementaire avec des hydravions !


Bibliographie

Photo de couverture : Robin Hardy

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