Juillet 2011, 15 ans après le début de sa construction, la Station Spatiale Internationale est finalement achevée. Fruit d’une collaboration entre 15 pays, elle est non seulement un exploit technologique mais est également un accomplissement humain, qui deviendra au fil des années un véritable symbole de la coopération internationale.
Prévu initialement en 2016, l'arrêt de l'exploitation de l'ISS a été régulièrement repoussé jusqu’à la sentence définitive : l’administration Trump a finalement décidé de mettre fin au soutien fédéral direct pour l’ISS en 2025, privilégiant le projet d’une station spatiale en orbite lunaire. Ainsi, d’ici 2024 les différents partenaires de la Station devraient s’en désengager progressivement et sa mise en retraite commence donc à être envisagée.
Cette décision soulève plusieurs questions, dans la mesure où l’ISS a une importance capitale, que ce soit sur le plan de la recherche scientifique ou sur celui de la coopération internationale, il est ainsi légitime de se demander quelles seront les conséquences de sa mise en retraite ? Plus loin encore, quel est l'avenir de l’exploration spatiale ?
David Miller, le directeur technologique de la NASA l’a affirmé : « L'une des expériences les plus importantes que nous menons sur l'ISS, c'est l'ISS elle-même », la station est considérée comme une véritable ONU spatiale qui exige la coopération de plusieurs partenaires internationaux pour mener sa mission à bien ; son importance politique est donc capitale.
De nos jours, face à l’imminence de l’arrêt de l’exploitation de la station internationale, les puissances spatiales se tournent vers des acteurs privés. De nouveaux projets voient le jour, les prochaines stations en projet ne seront pas de gros ensembles gérés communément par des acteurs internationaux comme c’était le cas jusqu’à aujourd’hui (en effet depuis les années 2000, l’ISS était l’unique station en orbite terrestre), mais plutôt de petites structures individuelles.
Et c’est dans ce schéma qui se dessine progressivement que l’on peut penser apercevoir les limites de cette coopération internationale. La Chine par exemple, vient de dévoiler Tiangong-2, sa propre station spatiale qui, à la mise en retraite de l’ISS, pourrait bien devenir la seule station à évoluer en orbite terrestre.
Mais ce modèle sonne-t-il vraiment le glas de la coopération internationale ?
Il est tout d’abord nécessaire de préciser que la Chine à justement annoncé avec le Bureau des affaires spatiales de l’ONU, que sa nouvelle station spatiale sera ouverte à tous les pays. De plus les 15 membres de l’ISEG (International Space Exploration Coordination Group) travaillent en coopération sur ce nouveau projet de station lunaire qui vient remplacer celui de l’ISS.
Finalement il semblerait que les différents partenaires ayant travaillé sur ce projet de station spatiale internationale, auront à l’avenir la possibilité de travailler de nouveau en collaboration.
Durant un entretien avec Rémi Canton, ingénieur dans le domaine spatial depuis 20 ans, et travaillant actuellement au Centre National d’études spatiales (CNES) sur le programme ISS, nous revenons sur le sujet de la mise en retraite de l’ISS mais aussi sur l’importance de la station notamment au niveau de la coopération internationale.
Nous avons tout d’abord parlé d’un des projets sur lequel il travaille : DECLIC, un mini-laboratoire qui a pris place à bord de la Station spatiale internationale en 2009.
« DECLIC avait déjà été ramené sur Terre pour révisions, il devait seulement servir pour trois ans de base. Il est de nouveau rentré sur Terre la semaine dernière, bien sûr il va y être renvoyé, puisque pour l’instant la date limite que l’on donne à l’ISS c’est 2024. Le projet continue. »
Ce qui nous amène alors à aborder le sujet de la date réelle de la fin de l’ISS :
« 2024 n’est pas une date ferme, pour l’instant l’objectif serait même de la garder en activité jusqu’en 2030. D’ailleurs une des manières de la prolonger serait qu’une partie de la station devienne privée. Dans tous les cas je serais très surpris, que cela arrive avant 2024. »
Il est alors également intéressant d’évoquer ce qui fait de la Station un projet si important du point de vue d’un ingénieur.
« L’une des remarques qui revient souvent c’est est-ce qu’un tel programme ce ne serait pas de l’argent mis à la poubelle finalement ? Alors non, pour moi il y a trois points qui font de l’ISS un projet aussi important, déjà l’importance scientifique de l’ISS est indéniable, en effet sur une période de 6 mois à bord de la station, un astronaute va réaliser plus ou moins 100 expériences.
Mais elle est surtout importante au niveau de la coopération internationale, l’ISS c’est un lien qui unit différentes nations, et plus il y a de liens, plus ils sont difficiles à défaire. On l’a d’ailleurs bien vu au cours de ces dernières années, peu importe les tensions qu’il y a eu entre les pays partenaires, cela n’a jamais impacté le déroulement du programme.
Il est évident qu’une collaboration entre pays c’est un atout pour un projet, on le voit d’ailleurs, l’Europe spatiale par exemple, ça marche. »
Il revient finalement sur un aspect important de l’ISS dont nous n'avons pas parlé dans l'article et qui pourtant n’est pas négligeable :
« Une autre part importante de l’ISS c’est, en plus de son réel intérêt scientifique, l’impact qu’elle a sur les gens en général, c’est ce qu’on a vu avec la mission de Thomas Pesquet notamment qui a été très médiatisée et a eu une certaine influence sur les gens, elle a, d’une certaine façon inspirée à croire en ses rêves.
Finalement les missions réalisées sur l’ISS ont peut-être un impact au niveau de l’éducation et motivent les gens à s’orienter dans un tel secteur. »
Pour conclure cette entrevue, qui montre bien à quel point l’ISS est capitale sur le plan de la coopération, il serait peut-être intéressant de se demander si cette collaboration ne pourrait pas être élargie ?
En effet, il faut bien admettre que le secteur spatial reste un secteur très fermé, inaccessible même pour certains pays qui n’ont pas les moyens de jouer un rôle dans celui-ci. Mais une association entre de grandes puissances spatiales ne rend-elle pas cet accès encore plus difficile pour des puissance qui peinent à s’imposer et n’auront pas les moyens de rivaliser face à cette coopération ?
A présent, il est intéressant de remarquer que nous avons mentionné plusieurs fois la Chine, pays qui s’intègre progressivement à ces puissances spatiales et prend de plus en plus d’ampleur dans le secteur spatial. Rappelons-le, la Chine ne fait pas partie des pays qui ont travaillé sur l’ISS, elle ne possédait pas les outils nécessaires à l’époque pour intégrer un tel projet.
Cependant aujourd’hui elle est prête à envoyer une station en orbite terrestre, et à l’heure où cet article est écrit, elle vient de réussir le premier alunissage sur la face cachée de la lune. De plus en proposant d’ouvrir sa station spatiale à d’autres pays, elle est sur le point de s’intégrer à cette coopération déjà établie. Finalement la fin de la station internationale augment peut-être les chances d’assister à une mission entre les partenaires de l’ISS et la Chine, elle permettra donc peut-être à d’autres pays de s’affirmer dans ce secteur.
Ainsi la fin de l’ISS nous conduit peut-être plutôt vers une collaboration internationale intégrant peu à peu de nouveaux pays.
Bibliographie et articles relatifs au sujet qui peuvent vous intéresser :
-Bordenave, Vincent. « Fin de l'ISS : vers une privatisation des stations spatiales ? » Le Figaro. 16 février 2018. Web. 19 février 2018.
-Poncet, Guerric. « ISS : 20 ans de coopération en orbite » Le Point sciences. Le Point. 21 novembre 2018. Web.
-“International Space Station, International cooperation”. Site officiel de la NASA. n.d. Web. 16 novembre 2016.
Super article je recommande, j'a appris plein de truc.